Démarche de Guillaume Tremblay
« Je peux me réveiller à Montréal et m’endormir à Hawaï, créer des liens avec des personnes à travers la planète, manger du poisson frais de l’océan Indien, découvrir la vie de mes ancêtres du Neandertal, admirer le côté sombre de la lune… Et puis, après?
Comme tant d’autres, je me distancie de plus en plus de cette société d’abondance, de prêt-à-porter et d’instantanéité. Autour de moi je constate un vide profond, derrière les apparences du bonheur et de l’amour. Malgré toutes mes possibilités et ma grande liberté, quelque chose me manque. Je le sens et BEAUCOUP de gens de ma génération - j’ai 32 ans - vivent la même chose. » — Guillaume Tremblay
Avec L’Heureux Naufrage, le cinéaste approfondit ses réflexions. Il s’interroge sur le fond spirituel qui semble subsister à la religion, dans nos sociétés post-chrétiennes. Un peu à la manière d’un anthropologue, Guillaume cherche, sous les décombres du catholicisme, ce qu’il y aurait d’enfouit, de beau et de grand, qui nous aiderait à vivre en tant qu’individu, mais aussi en tant que société.
En rejetant la religion catholique, longtemps si importante au Québec, notre société a du même coup évacué toute question spirituelle. Nous avons quitté le navire pour construire de nouvelles bases ; une révolution tranquille que nous avons faite ensemble, mais ne serions-nous partis à la dérive, vers un heureux naufrage ?
Dans son village natal au Lac-St-Jean, Guillaume se rappelle partir avec sa classe de primaire pour aller se confesser à l’église… Très jeune, il a appris à détester les églises et la religion. Il a nié toute forme de spiritualité et ce faisant, il a aussi perdu de vue le sens de la vie. Son cheminement l’a amené à faire la différence entre institution religieuse et foi. Aujourd’hui, il croit qu’il a la foi, même si elle est loin d’être portée par un dogme, des rituels, un manuel d’instruction. Si les jeunes de son âge ne veulent pas en parler, Guillaume est convaincu que c’est essentiel.
Sa quête de sens a trouvé des échos à travers la voix de ces artistes et intellectuels qu’il admire. Émond, Arcand, Comte-Sponville, Schmitt, Guillebaud, qu’ils soient athées ou croyants, tous ceux qui ont participé au film expriment le même besoin d’absolu qui a poussé Guillaume à le réaliser.
« Un moment donné, il faut prendre son vide en main… Pis je trouve ça beau de prendre son vide en main. Le Québec a longtemps été chapeauté de très près par la religion. On nous disait ce qui était bien, ce qui était mal, ce qu’il fallait faire, ce qu’il fallait pas faire et du jour au lendemain on a été abandonné. Cet abandon là fait qu’on a quelque part arrêté de chercher… C’est-à-dire qu’il y a tellement de vide autour qu’on s’est concentré sur autre chose et on a arrêté de regarder notre vide dans les yeux. Moi, je parle de ce vide là souvent parce que je pense qu’il faut justement prendre son vide en main.»
- Stéphane Archambault, Compositeur Interprète